Éducation bienveillante

Voici un texte transmis par Sarah qui suit les mooc des Colibris sur l’éducation.

 

RS parents : Dire non avec conviction, poser des limites claires, le regard de la parentalité positive

Voici une autre possibilité pour poser des limites claires à son enfant.

Ce texte vous est proposé par Isabelle Filliozat.

Dire non avec fermeté et conviction, poser des limites claires, voici ce à quoi nous parents sommes sans cesse invités. Et nous tentons de nous montrer à la hauteur des attentes de tous ces gens qui nous conseillent, nos parents, beaux-parents, pédiatres, psys et même les passants dans la rue ! Nous pourrions nous poser la question de ce qui motive tant de gens à se mêler de notre relation avec nos enfants et de plus avec tant de virulence, mais comme nous sommes désireux de bien faire et du meilleur pour notre enfant, nous les écoutons. Hélas, si le message a tant besoin d’être répété, c’est qu’il est non seulement inefficace mais contre-productif ! Plus les parents tentent de suivre ce type de conseils plus ils se sentent démunis et même coupables de « ne pas être un bon parent ». Plutôt que de chercher à être un « bon parent » selon les critères de tous ces gens qui se mêlent de notre vie, si nous écoutions les besoins de nos enfants et notre propre cœur ? Car nous sentons au dedans de nous notre cœur s’insurger devant les impératifs de la doctrine autoritaire. Nombre de parents souffrent en laissant pleurer le bébé dans son berceau ou en envoyant le petit au coin.

Histoire du concept des limites qui sécurisent nos enfants

Cette histoire de limites qui sécuriseraient les enfants est issue de la psychanalyse. Attardons-nous un instant sur ce qui a motivé cette théorie. La première théorie de Freud dénonçant les traumas de l’enfance et plus particulièrement les abus sexuels comme étant à l’origine des névroses a été si mal accueillie, qu’il l’a transformée pour énoncer le contraire : Ce ne sont pas les adultes qui ont abusé des enfants, ce sont les enfants qui ont séduit les adultes ! Il a construit le complexe d’Œdipe sur cette base. La correspondance entre Freud et son ami Fliess, exhumée par Jeffrey Moussaiev Masson [1] est particulièrement éloquente. Le complexe d’Œdipe, encore cru comme universel en France, n’est plus reconnu comme concept valable dans le reste du monde. Freud explique que les enfants sont animés de pulsions (dites perverses polymorphes puisque sexuelles et aux formes diverses, orale, anale…) auxquelles il s’agit de mettre un frein pour en faire un adulte responsable. Bien sûr, la tendance à la coercition n’a pas débuté avec la psychanalyse. Mais cette dernière a tant imprégné notre culture française que ses concepts sont acceptés sans remise en cause. Toute puissance, enfant roi… ce vocabulaire appartient à la psychanalyse. Ce sont des constructions mentales. Or, même Sigmund Freud, à la fin de sa vie, a dit « les progrès des neurosciences pourraient remettre en cause nos constructions mentales ». Nous y sommes !

L’apport des neurosciences

La réalité biologique est que dès que nous mettons une limite, disons NON à un enfant, surtout en fronçant les sourcils, nous déclenchons son circuit de stress. Adrénaline, cortisol, ce ne sont pas des hormones qui donnent un sentiment de sécurité, même si elles sont là pour nous permettre d’assurer notre sécurité. Quand le circuit de stress est activé, le cerveau préfrontal et les zones associatives sont inhibées. Ce qui concrètement signifie que plus l’enfant est sous stress, moins il est capable de réfléchir et même d’entendre ce que nous lui expliquons.

Doit-on pour autant « laisser tout faire » ? Nous sommes piégés dans une alternative soit je dis oui, soit je dis non / soit je suis autoritaire, soit je suis laxiste. Cela vient du fait que nous ne remettons pas en cause les prémisses : l’enfant cherche à me manipuler, à prendre le pouvoir, à établir sa toute puissance.

L’apport de la théorie de l’attachement

Quand on s’inscrit dans la théorie scientifique de l’attachement, le regard sur l‘enfant est radicalement autre. L’enfant n’est pas habité de pulsions et ne cherche pas à détrôner son parent. Il est habité de besoins et d’émotions. Ses comportements expriment ses besoins. Il ne cherche qu’à s’adapter au mieux. La parentalité positive s’inscrit dans ce paradigme de l’attachement. Regardant l’enfant depuis un autre point de vue, elle propose des interventions radicalement autres que OUI ou NON. Elle est dite positive parce qu’elle enseigne au lieu de punir, oriente l’enfant en lui fournissant des ressources plus que des interdits, écoute le besoin de l’enfant plutôt que de tenter de contrôler le comportement qui exprime ce besoin.

Mettre des limites à un comportement débordant, c’est comme mettre un couvercle sur une casserole de lait qui déborde. Si nous n’éteignons pas le gaz, il faudra tenir ce couvercle de plus en plus fort (c’est ce qui se passe quand on punit, il faut punir toujours plus) et ça finira par brûler le fond de la casserole. La parentalité positive, c’est éteindre le gaz ! C’est utiliser notre cerveau d’adulte pour identifier la cause du comportement de l’enfant, et répondre à son besoin plutôt qu’au comportement apparent. Le parent inscrit dans une parentalité positive cherche à aider son enfant plutôt qu’à le contrôler.

Notre cerveau déteste les interdits, mais adore les procédures !

Bien sûr, nous sommes responsables de sa sécurité et nous allons imposer des règles, comme « dans la rue, la main » ou « dans la voiture, la ceinture de sécurité ». Mais une règle n’est ni un interdit, ni une limite. Une règle est une procédure. Et si, comme tous les humains, les enfants détestent les limites et les interdits, ils adorent les procédures. Ils adorent « bien faire ». Une règle est comme une règle du jeu, elle est formulée positivement et dit comment faire les choses. Un interdit est formulé par une négation : NE PAS ceci cela. Or le cerveau d’un petit enfant ne comprend pas la négation. « NE PAS toucher ce placard » est entendu par le cerveau de l’enfant « toucher, placard » Et l’enfant bien sûr avance sa main vers le placard, déclenchant les foudres de l’adulte qui croit qu’il se fiche de lui ! D’autant que l’enfant a bien compris à l’intonation de l’adulte qu’il y avait quelque chose d’important à comprendre et donc regarde ce dernier avec un sourire. Il cherche à s’approprier la consigne, mais ne réussit qu’à déclencher les foudres de l’adulte qui ne comprend pas qu’en interdisant, il a en réalité donné un ordre au cerveau de l’enfant.

Nous n’avons pas besoin de nous montrer autoritaires pour obtenir la coopération des enfants. La qualité de notre connexion sera bien plus utile. Dix minutes de temps particulier, totalement à l’écoute de l’enfant, remplissent son réservoir d’attachement. Ça change tout ! A la grande stupéfaction du parent, l’enfant qui d’ordinaire faisait toutes sortes de comédies, se montre enjoué et coopératif !

Nous avons à comprendre que les comportements débordants sont pour une grande part motivés par du stress. En aidant nos enfants à réguler leur stress, en écoutant leurs émotions, en répondant à leurs besoins, les comportements débordants disparaissent tout simplement.

Quelques exemples

Au lieu de dire « Tu dois attendre ton tour » et de punir quand l’enfant se précipite tout de même, la parentalité positive va utiliser la situation pour enseigner :

Tu as envie de monter sur la balançoire et pour l’instant, c’est Lucie qui y est. Et si on trouvait dix idées pour que tu soies content ? On aide l’enfant à formuler ses idées :

Je peux chanter une chanson.

Je peux courir jusqu’à la barrière et revenir, deux fois.

Je peux me raconter une histoire dans ma tête

Je peux jouer avec mes voitures

Je peux faire un câlin avec maman

Je peux mordre Lucie pour la faire descendre (oui, nous permettons aussi que cette option soit verbalisée ! cela aide ensuite l’enfant à ne pas la choisir, parce qu’il réalise qu’il risque d’y avoir des conséquences)

Je peux mettre le minuteur pour compter 3 minutes chacun

Laquelle de ces idées as-tu envie de choisir ?

Qu’est-ce que la parentalité positive ?

La parentalité positive s’appuie sur la psychologie positive, la psychosociologie, les neurosciences, les sciences en général. Elle s’enracine dans la théorie de l’attachement et consiste à être attentif aux besoins de l’enfant, notamment en termes d’attachement et de liberté, à être conscient des capacités de son cerveau selon son âge, à utiliser un langage qu’il peut comprendre et qui ne se montre pas contre-productif, à fournir à l’enfant des ressources pour s’épanouir, à lui enseigner des compétences et développer son empathie et son sens de la responsabilité plutôt que lui mettre des limites et à lui fournir un cadre de vie lui permettant d’explorer et de se développer dans toutes les dimensions de son être. La parentalité positive, c’est écouter son cœur et privilégier la joie à être ensemble.

Isabelle Filliozat

[1] Enquête aux archives Freud, des abus réels aux pseudo-fantasmes de Jeffrey Masson